Tchine Tchine à la notre

Durant 2014, j’ai vu la première année de Jeannice, tellement de premières fois que j’en ai le tournis.

Tant de répétition que l’on vie avec elle comme un événement… Ces nombreuses découvertes et nouveautés, mais aussi chaque changement de couches, les tétées, ces rituels du dodo, ces réveils incessants, les chutes, les blagues, les cuillères dans la bouche ou par terre, les « Non », les  rires, les bobos, les calins…

Un regard neuf même quand ça semble simple et déjà vu.

Elle m’a chamboulé ! Doucement, petit à petit, au début je ne pensais pas que cette petite chose change tant de ma vie.

Je le remarque à ma fatigue et mes difficultés à me concentrer, ma tête qui fait des expressions à l’envers, mon corps qui lui a offert tellement que j’ai le poids de mes 20 ans, mes tristes colères irraisonnées quand je n’en peu plus et mon sourire niais à la regarder encore et toujours.

Ce qui m’étonne le plus, c’est de la sentir entre 2 mondes : mon regard, mes attitudes, nos expressions qu’elle imite et qu’elle s’approprie, et sa propre connaissance, son contact avec un visible qui n’existe que pour elle.

2014 c’est aussi et enfin la création de notre société INDIGO. Visa de travail donc long terme, crédibilité professionnelle et la mise en place de projets qui me/nous touchent. J’ai enfin pu tenter ce que je voulais depuis longtemps et vendre un peu (tout petit peu…) de mes « créations » zippées, clipsées, recup, cousues, colorées, uniques…

Cette année on est prés pour encore plus !!

De quelques pots dans la cours, nous sommes passés à 3 lieux de plantations, déjà plusieurs récoltes consommées de radis, carotte, fenouil, aubergine, tomate, salade, basilique, oignon, épinard, betterave, ciboulette… on verra comment vont évoluer le blé, les patates, le céleri… Il y a eu aussi pas mal de loupés, on test, on échange les graines et semences et j’apprends à quelle point il est bon d’avoir confiance en cette nature généreuse. On fait passer notre levain, le pain est de plus en plus bon, même dans notre petit four tout simple.

2015 en autonomie complète ?

On échange les astuces de vie harmonieuse et j’essaye d’être en pleine conscience.

Je pense à vous

Depuis que Jeannice est arrivée, je n’ai pas encore vraiment travaillé dans mon métier, l’architecture.

Je me laissais une chance pour la couture, il est en effet plus facile de jongler avec les projets sur une machine à coudre entre 2 tétées/changement de couche/câlin/balade…etc…

On a fait une aventurière qui adoooooore se balader et le réclame très souvent !!

Pour l’archi, il faut avoir ses neurones pour cogiter, se concentrer, rester sur l’ordi. Comme j’allaite toujours, j’ai la sensation que ma capacité de réflexion/concentration a des limites que je ne connaissais pas avant.

J’ai pu faire de tout petits projets, plus pour aider des amis sur une journée, quelques heures… le temps d’une balade de mon bébé avec son papa.

Une page de mon carnet de travail…

Je le feuillète, il n’est pas beaucoup rempli…

Par contre mon ipod et mon appareil photos sont bien remplis de photos de ma fille !!!

Mon carnet d’aquarelle prend un peu la poussière. Dés que je sorts tout, des petites mains veulent découvrir l’interdit…

Au moins, ma table de couture est trop haute pour cette pepette !! Elle en est un peu frustrée…

Architecture, ça me démange quand même, j’aimerai pouvoir rouvrir mes logiciels, mon carnet de travail, ma partie de cerveaux qui pense espaces, mesures, matières.

Bientôt, je l’espère,  la guest house que j’ai designé à Dali sera finie, peut être le moyen de reprendre contact avec un exemple sous la main pour un projet local?

Bientôt, je l’espère,  Jeannice, en sevrage progressif, me laissera me concentrer plus de 2h d’affilées ?

Quelques contacts déjà, à voir ce que ça donne. Un potentiel client m’a proposé de me payer en légumes bios, j’ai gentiment montré un devis professionnel. Souvent les chinois ne veulent rien lancer avant le nouvel an chinois… On verra !

D’ici là je pourrais profiter de la visite de ma maman pour Noël, et d’amis qui arrivent juste après. Je pourrais encore apprécier d’aller au champ m’occuper de nos légumes, de faire des jiaozhi avec les copains, de me balader dans le village, dans la montagne avec ma fille… De profiter d’elle, de la voir me sourire, de la voir découvrir, de la voir tomber, se relever, de la voir grandir, de la voir me faire rire, les faire rire… Mes neurones n’arrivent pas à arrêter de s’émouvoir devant ce petit bout qui a furieusement envie de vivre à 100% !

Une école alternative chinoise s'est créée dans la maison quasi voisine. Une dizaine d'élèves entre 5 et 7 ans découvrent la joie de vie à travers des activités créatrices et amusantes, dans un esprit de liberté qui manque cruellement à la majorité des classes "classiques" des écoles chinoises.

Même si Jeannice est encore petite, nous sommes régulièrement conviés à participer à la vie de cette association de gens souriants et calme. Le rôle parental semble se baser sur une écoute, une communication non violente, une liberté de gestes et un rapport à la nature très important.

En même temps, nous sommes en plein milieu de la nature, alors le lieu s'y prête bien!

Nous avons quelques mètres de terrain sur la parcelle qu'ils cultivent avec les enfants (en plus de notre petit jardin qu'on a commencé l'an dernier offert par nos proprios, et du champ qu'on loue depuis 2 mois où l'on vient de semer du blé et planter plusieurs légumes de saison...). Cette semaine, on a aussi planté du blé venu de France via la maman de Matthieu sur une autre parcelle que l'école loue.

Et cette semaine aussi, nous avons avec eux récolté du thé! Le rêve de Matthieu!

C'est sur le terrain d'un voisin plus tout jeune, qui ne veut/peut plus s'occuper de son terrain. Il semblait bien heureux de nous montrer comment tailler les théiers, s'en occuper. Voir les petits courir entre les rangés, parents et enfants récolter ensemble les jeunes pousses...
Nous avons appris ensuite à les faire sécher dans un wok au départ puis grâce au soleil de la région qui offre séchage naturel et gratuit. Un bonheur!

La terre est généreuse et je suis tous les jours plus épatée par l'autonomie qu'elle nous offre et que l'on essaye de comprendre et d'apprendre. Dans ce pays critiqué par sa surproduction/consommation, qui nourrie le monde entier de produits éthiquement douteux, nous rencontrons tellement de personnes qui luttent contre ce système par l’autonomie et le respect de la nature inculqué à la nouvelle génération que je reste encore et toujours optimiste.

Tout va vite ici, dans une pente dangereuse parfois, mais aussi sur un chemin qui me rend joyeuse pour l’avenir de ma fille dans ce monde…

Ma fille… Jeannice : 1 an, 7 dents, des bouclettes blondes et de grands yeux bleues, marche depuis 2 mois, sourie à tous, rigole souvent, tête toujours sa maman, mange de tout en petite quantité, observe la nature inlassablement, adore se balader, gambade tant qu’elle est réveillée, monte et descend les escaliers (la descente avec notre surveillance…), fait de longues siestes avec ses parents, ne fait pas ses nuits mais se réveille en applaudissant ! On l’aime follement…

Début avril 2013, nous avons eu notre premier rdv avec un avocat pour créer notre compagnie… Fin septembre 2014 nous avons enfin nos 4 permis de résidence !!

(Enfin 5 : Notre couple d’amis partenaires, Matthieu, moi et Jeannice !)

Il y a eu tellement de revirements de situation que nous avons failli abandonné de nombreuses fois. Mais à 4 on est plus fort et la motivation est contagieuse…

(Enfin à 5… Jeannice est costaud aussi !)

Alors après 2 ans dans notre nouveau chez nous, nous nous sentons vraiment chez nous, plus crédibles, plus acceptés, plus apte à faire nos projets !

Et des projets nous en avons !!

Agir localement, avec conscience de notre quotidien, nous avons loué une terre avec les copains pour planter sans pesticides et de belles graines ramenées de France ou d’ailleurs mais bio ! OK nous ne sommes pas agriculteurs, mais ici tout pousse, c’est donc une super terre d’improvisation ! Déjà, même en ayant été absents 2 mois cet été, notre petit jardin nous a offert des aubergines, des carottes, des haricots, du fenouil, des betteraves, de la roquette, des salades, des tomates (vertes…), des radis, du basilic, des concombres, du gingembre, des piments, de la menthe…

Nous replantons actuellement de l’ail, des salades, des radis, des panais, des choux-fleurs… C’est du boulot et c’est surtout Matthieu qui s’y colle pour l’instant, mais c’est tellement bon de manger nos quelques légumes. Entre copains nous dégustons les essais de chacun, et c’est assez jouissif !

Avec notre société Indigo, il y a les spectacles, l’architecture et la fabrication de produits. Pour l’instant nous commençons à peine à nous faire connaître, chacun dans sa discipline, mais tous avec la même éthique !

L’archi reviendra progressivement entre mes mains, alors en attendant je m’essaie à ce que j’ai toujours voulu faire et ça m’amuse beaucoup !
Couture avec bouts de tissus, récup de trucs et de machins… J’adore !

Matthieu jonglait la semaine dernière sur un festival, et avec LiMay, partenaire de couture chez Indigo, nous avons fait passé quelques unes de nos créations.

Porte clés animalo-sonné, mes bouts de tissus me racontent ce qu’ils veulent devenir, et je les assemble. La moitié a été vendu ! Depuis je me lance dans des ceintures de poches. Celle de Matthieu est faite avec ses vieilles BuXie de kungfu qu’il avait utilisé jusqu’au bout des semelles. Le tissu était encore bien beau, ça en donne encore plus de charme ! La 2^ème est inspirée par une vieille fermeture éclaire de récup, acheté à une mamie de Dali. Je garde sa longueur, la ceinture prend de la valeur !

Jeannice s’habitue déjà à faire des siestes dans le bruit de ma machine, je vais bientôt acheter une surfileuse pour solidifier ces créations et en faire d’autres.

Aaaaaaahh il fait bon se sentir enfin chez soi !

Cette fois ci, pour la première fois il me semble, je rentre en Chine avec la sensation de ne pas être sure de ce que je fais.

Un truc de jeune maman, où bien la fatigue de ces paperasses ?

Ca va faire 6 ans que je « rentre » en Chine quasi chaque années. Et pour la première fois avec entre les mains la mise en place d'un projet à long terme avec la création de notre société que l'on crée avec un couple de très bon copains/voisins.

Prévoir à long terme n'a jamais été chose facile dans ma tête.

Même de signer pour 10 ans pour la maison ne semblait paradoxalement pas du long terme, le prix du loyer étant particulièrement bas.

De nous PACSer était du long terme, mais un peu comme une évidence...

De faire un enfant c'est du très long terme, mais le résultat d'un grand désir...

Depuis que nous avons décidé de nous lancer dans cette aventure de société en Chine, il y a eu beaucoup de rebondissements, beaucoup de mauvaises nouvelles, de contretemps, des inattendues et des bâtons entre les roues... Il semblait souvent que ce projet ne méritait peut être pas d'être effectué, ça ne semblait pas vraiment évident... De créer une société ce n'est pas quelque chose que j'ai dans le sang à la base, pas vraiment un grand désir...

Alors on se motivait mais en nous demandant au fond, si ça tenait à de l'acharnement où si nous étions sur le bon chemin. Je me suis toujours dit que lorsque nous sommes sur le bon chemin, les choses se font simplement, facilement et là... ?

Nous avons commencé les démarches au début de l'année dernière, un an et demi plus tard tout est là !

La société existe !

Les bourdes de notre avocats vont finalement en notre faveur.

Le retard nous a permis de voir une grande partie de notre famille et amis en France.

Nos projets perso et de société ont pu murir, se tester, se digérer.

Peut être que ce chemin est le bon, mais qu'il ne va juste pas tout droit, comme pour nous rappeler qu'il faut parfois s'accrocher, se battre et la réalisation n'en est que meilleure !

Enfin... comme une dernière petite épine dans le pied, il nous faut des papiers traduits et légalisés qui doivent arriver avant le 21 septembre ou bien je serais obligée de sortir ENCORE du territoire avec Jeannice. On croise les doigts une dernière fois avant de pouvoir ENFIN commencer à nous lancer sur nos projets sereinement !!!

Je n'osais pas espérer quelque chose de cette semaine de retraite bouddhiste au Village de Pruniers, me disant que je verrais bien en fonction de toi.

Ta petite vie, qui change tout le temps, tu m'apprends à ne rien prendre pour acquis. Moi qui prévoyait tout, organisait, rangeait... Ah non, ça ne va pas le faire !

Tout ne repose pas sur du prévisible, l'improvisation est au menu. Changement de programmes fréquents, il vaut mieux accepter le moment présent.

En un instant tu peux me faire pleurer et rire, tu me donnes fatigue et énergie, puissance et souffrance, ces contradictions me perturbent. Je ne sais plus qui je suis, je ne suis plus qui je sais.

Révèles tu en moi le meilleur ? le pire ? Certainement les 2 !

Depuis que l'homme existe, il a été parent, il a été enfant. Cette histoire se reproduit et je ne suis pas la seule devant ces états d'âme.

Au Village des Pruniers, les enseignements du maître Thich Nhat Hanh m'ont beaucoup appris, pas vraiment sur ce que je pensais vouloir apprendre, mais j'ai compris.

J'ai les outils en mains, je tente de les utiliser. Pas tous le temps facile, heureusement je suis maman avec un papa. Lui aussi a ces outils et tente de les utiliser, à 2 c'est déjà mieux. Et toi, numéro 3, ces outils semblent instinctifs pour toi.

Evident, ces enseignements semblent être venu de pas si loin que ça, juste regarder l'enfant qu'on a là.

J'ai souvent eu peur de l'avenir, peur de programmer un futur quand je sais que la vie peut être écourtée.

Et puis avec la méditation, j'ai appris que finalement ce n'était pas un problème de ne pas vouloir penser au futur, ça me permet en effet d'apprécier le moment présent.

Parfois, dans le moment présent j'ai eu des angoisses quand les choses changent et que je ne pouvait pas maitriser ce qui se passait.

Et puis Jeannice est arrivée dans ma vie et j'ai compris que tout change tout le temps, ce n'est pas moi qui ne peut pas maitriser, c'est la vie qui est ainsi faite.

De temps en temps je me demandais quel était mon lien à cette terre, comme la sensation d'être une imposture, ne pas en faire réellement parti.

Et puis on a fait pousser des légumes, on les regarde grandir, fleurir et donner de quoi manger, et je me sens actrice de ma vie.

La vie a mis sur mon chemin les outils qui me permettent de me sentir pleinement là.

Je suis là dans ce monde et je deviens sensible au futur, au changements et à la terre...

Les choses sont bien faites !

4 petits anges ont frappés à ma porte

8 petits yeux fins ont regardé tout autour

ils se sont assis timidement

et attendent...

1 boîte de craies sortie de mon coffre

8 petites mains choisissent des couleurs

un arc en ciel envahit ma cour

c'est l'explosion !

1 bébé se reveille

10 bonshommes au sol

le béton est devenu vivant

les anges sont repartis

Un jour, mon bébé toi aussi

Tu rendras les lieux joyeux

la terre deviendra ton terrain de jeux

Je me disais, dans un endroit aussi chouette, le seul aspect qui soit dommage, c'est qu'on a devant nous un lac immense qui donne envie de s'y plonger, mais l'eau y est vraiment trop polluée.

Avec le nombre de personnes qui arrivent dans le coin, il y a aussi plus d'explorateurs et plus de choses que l'on partagent. La nouvelle de la semaine, c'est qu'il y a juste derrière chez nous, à environ 15min en vélo, une superbe cascade avec de l'eau très fraiche, des gros rochers et de beaux papillons! En effet, fin mai, c'est le grand été ici, il fait très chaud, très sec, alors une petite baignade ne se refuse pas !

Tous les jours nous montons quasi 50L d'eau pour arroser le jardin, mais il paraît que la mousson qui débute mi/fin juin nous permettra d'alléger tout ça.

Le début d'après-midi est trop chaud pour se balader, par contre, on en profite en fin d'après-midi pour aller faire des visites chez nos voisins/copains, gouter les derniers gâteaux de Limay notre amie singapourienne, voir la progression des cultures et constructions de son mari Arthur, voir où en sont les travaux de Gilles, faire jouer Jeannice avec WaiKon le petit japonais, ou Guoguo le petit chinois, aller faire un sauna chez Juan le vénézuélien et Pietr le russe.

Depuis un an et demi que nous avons la maison, le village s'est enrichi de nouveaux arrivants de partout, c'est tellement rapide qu'on se demande parfois ce que ça va donner. Il paraît même que le village a mis en place un comité pour accepter ou non les nouveaux venus...

En tous cas, nos voisins sont toujours autant attendrissants et nous ne regrettons pas notre quotidien. Les traversés du village ne peuvent se faire s'en s'arrêter un moment plus ou moins long pour faire des sourires et serrer des mains. Je pense qu'on peut lancer Jeannice dans la futur présidence du village !! Ils l'ont déjà baptisé « le bébé heureux »...

Mais nous ne sommes et ne serons jamais complètement chez nous, étrangers, les papiers pour notre compagnie/visa ne sont pas tous les jours faciles à gérer, à chaque fois que ça avance nous sommes confiants et heureux, à chaque fois qu'il y a des difficultés on se demande si nous ne sommes pas fous de faire tout ça...

On croise les doigts, on respire bien et on est joyeux pour la suite !!